les stratégies impuissantes

Les stratégies impuissantes


De mars à juin 2008, les travailleurs sociaux en formation se sont réunis. On ne leur avait pourtant rien demandé. Et surtout pas ça. Oui mais voilà, on a gratifiés leurs stages de plus de trois mois, on les a gratifiés, sur le papier et dans le marbre de la loi.


Rien d'étonnant jusqu'ici. La main des quelques-un-pour-le-bien-de-tous s'est abattue avec bienveillance en s'exonérant de toute concertation au nom de la loi et du mandat. Rien d'inconnu. Nous avons accepté de longue date de déléguer notre pouvoir politique et de faire représenter notre volonté. La cage ne nous appartient pas, nous n'avons plus rien à voir avec ça. Alors étudiants, étudiantes en travail social, réjouissez vous, au nom de la loi vous voilà gratifiés.

Soyons-en sûrs, ce n'est pas le manque de concertation qui à fait se mobiliser les étudiants en travail social. D'autant plus que l'intention de la gratification était « bonne » paraît-il et constituait même pour certains une « avancée sociale ». Mais les quelques-un-pour-le-bien-de-tous ont commis une faute professionnelle. Dans leur gestion du peuple en général et de la formation en travail social en particulier il arrive parfois qu'un des paramètres échappe à la vigilance ordonnée des pouvoirs. Et c'est ce qui s'est passé. Le financement de la gratification n'était pas assuré. Le secteur social de droit privé et non lucratif, qui ne dépend que de fonds publics, est sommé de prendre en charge le versement de cette gratification sans poste budgétaire alloué à cet effet. Patatras et grain de sable dans la mécanique administrative : l'action de gratification provoque une réaction. Désengagement des lieux de stage de droit privé1. Stages annulés. Formations bloquées. Scandale et réunions.


D'un « défaut » de gestion à l'émergence d'un nouvel espace-temps.


Misère du travail mal fait, le cycle de domination n'a pas pu s'accomplir. La réunion des étudiants gratifiés a eu lieu, car on lui en a laissé le temps. Ce temps dont la maîtrise est, depuis l'invention de l'embuscade à celle de la Blitzkrieg, l'espace décisif de la domination. Si elle passe à l'ennemi, il n'est plus de victoire rapide et s'impose le combat, par annulation de l'effet de surprise qui confère l'impuissance. Et voilà nos étudiants en travail social qui envisagent la gratification des stages, non plus comme une mutation transcendantale de leur organisation, mais comme une transformation décidée et ratifiée par décret d'application. Désenchantement de la politique gestionnaire, dissipation de sa représentation magique, les étudiants accèdent au réel. Que ce serait-il passé si le financement de la gratification eu été assuré par le pouvoir? Les étudiants se seraient-ils réunis et mobilisés? On peut s'assurer que son application aurait été immédiate, et que l'expression des étudiants tient au manque de considération et de bienveillance dans la gestion de leur organisation. Un manque de réalisme politique dans l'action du gouvernement gestionnaire qui provoqua un accident dans le rythme de l'organisation formation en travail social, notamment par le blocage des stages. Et cet accident dans le rythme produit un nouveau temps, qui est celui de l'analyse, de l'expression, de la synthèse et de l'action.


De ce temps nouveau, de ce répit imposé par l'ignorance des pouvoirs de leurs besoins réels, les étudiants en travail social se sont saisis avec succès. Partout ont été créés ou réactivés des espaces de réunion destinés à permettre leur expression. Assemblées générales, coordinations, forums, ils ont permis le déploiement de l'éventail démocratique et de politique non gestionnaire. C'est à dire l'existence d'une politique de l'organisation qui ne soit pas séparée de ses acteurs. Et l'irruption de la politique dans le champ de l'impuissant n'est jamais sans conséquence pour l'entreprise de domination. Voilà que l'espace et le temps permettent aux étudiants de définir l'action du pouvoir et de considérer leurs propres puissances. C'est à dire de mettre en conflit ce qui leur est imposé au nom de la loi et ce qu'ils souhaitent devenir.

Et les étudiants d'avaler leurs cartables en constatant que le pouvoir ordonne l'application d'une gratification discriminante (stagiaires de droit privé gratifiés, stagiaires de droit public non gratifiés), une gratification qui institue un rapport d'employeur à employé sur le terrain de stage sans garanties pédagogiques, qui oppose apprentissage théorique (non gratifiés) et apprentissage pratique (gratifié) au sein d'une formation indivisible. De plus l'absence de concertation avec les acteurs de la formation en empêche l'application et met en danger le parcours de formation des étudiants. Ce dernier point est paradoxalement celui qui permet l'analyse critique de la gratification et la mise en avant de ses caractères discriminants et de ses incohérences pédagogiques. N'en reste pas moins que les étudiants s'en saisissent pour créer des espaces-temps ou s'affirment leurs puissances: pas de discrimination, sauvegarde des principes pédagogiques de la formation par alternance, soutien financier aux étudiants... La liste de ces puissances est incomplète et n'est pas à compléter. Ces puissances sont des affirmations de la volonté de devenir et de réalisation des étudiants, elles sont nécessairement multiples et ne peuvent être considérées comme une unité, si ce n'est au sens de Nietzsche2, ou l'un est le multiple. Les positions des différentes assemblées de travailleurs sociaux refléteront bien cette volonté de vie à travers la diversité de leurs analyses, de leurs stratégies et des actions qu'elles définiront comme prioritaires. Elles demeureront cependant hantées par la prétendue nécessitée d'effacer cette multiplicité au bénéfice d'une expression commune. Au nom de quelle efficacité ont-elles rêvé de transformer leurs puissances en pouvoir, c'est-à-dire en revendications raisonnables, recevables?


Car les étudiants ne se contentent plus maintenant de dénoncer le mauvais traitement qu'ils subissent, une gratification inapplicable, sans financement. Puisqu’ils disposent de l'espace-temps nécessaire, voilà qu'ils s'invitent à la définition du traitement. Voilà une gratification qui leur tombe du ciel crevé du pouvoir vertical. Que faire ? Qu’allons-nous devenir ? Quelle va être cette gratification? Que voulons-nous qu'elle soit? De ces questions qui n'auraient jamais dû leur appartenir, les étudiants se saisissent et formulent leurs expressions.


De l'expression légitime à la volonté politique.


Lorsque la gratification s'impose à la formation en travail social, elle crée une situation inédite qui présente deux dimensions qu'il convient de distinguer. La première de celles-ci est une dimension de cause à effet. L'application du décret est impossible, principalement parce qu'une grande partie des terrains de stages de droit privé non lucratif ne peut l'assumer et décide le gel des accueils de stagiaires. Ceci a pour conséquence la mise en péril des parcours de formation et permet, à l'occasion d'un nouvel espace-temps, la mobilisation des étudiants pour la sauvegarde de leurs intérêts privés et collectifs. Cette posture est défensive et s'inscrit en réaction à l'aveuglement du pouvoir vertical. La deuxième dimension de cette situation est d'ordre politique. La gratification en s'imposant à la formation en travail social y introduit incohérences pédagogiques et discrimination entre étudiants. Ce qui va provoquer la mobilisation au nom d'un positionnement éthique et politique, permis au sein des instances d'expression (forums, assemblées générales...) ouvertes en réaction à la première dimension causale.

Il apparaît donc que l'application de la gratification permet l'émergence de deux moteurs distincts à la mobilisation. L'un en réaction, comme acte de survie, pour défendre les parcours de formation, et l'autre en action, comme affirmation de la volonté éthique et politique des étudiants.

Ces deux moteurs porteront une même mobilisation et apparaîtront mêlés dans le discours porté par les acteurs. Ils seront néanmoins inégalement mis en avant selon l'orientation stratégique choisie par les assemblées générales. Et c'est bien ici de stratégie dont il s'agit. Car chacun de ces moteurs porte un impératif distinct. Mais au jeu de la politique verticale, il s'agit de prioriser ses désidérata. Majoritairement, les étudiants vont se plier aux règles du jeu, comme nous le verrons ensuite. Mais commençons pour l'instant par considérer les différentes expressions des étudiants que je propose ici d'analyser comme stratégies dans le cadre du jeu de pouvoir vertical.


Il serait vain, je le répète, de tenter d'ordonner et de réduire la nécessaire multiplicité du réel et donc des diverses expressions des étudiants. Nous pouvons cependant en dégager les principales tendances stratégiques à travers ce que furent leurs principales affirmations en réaction à la gratification. Trois tendances principales ont structuré les débats internes à la mobilisation, jusqu'à faire s'opposer ses participants. Elles peuvent être définies comme le « oui » à la gratification, le « oui mais » et le « non » à la gratification.


« Oui » à la gratification: La gratification doit être.


Cette expression affirme le désir que la gratification soit appliquée. Cela ne signifie pas nécessairement que les personnes qui s'expriment ainsi nient le caractère discriminant et les imperfections de la mesure. Elles considèrent cependant par calcul que son application serait « plutôt » positive, c'est-à-dire que les bienfaits apportés par sa mise en place seraient supérieurs à ses méfaits. Par exemple, la réalisation de la gratification est présentée comme une avancée sociale, car bien qu'imparfaite, elle constitue une amélioration objective des conditions matérielles des étudiants, du moins pour certains d'entre eux. Ainsi, la situation crée par l'application de la gratification conférerait aux étudiants qui n'en bénéficient pas la légitimité à en réclamer l'élargissement à leurs cas particuliers. On voit l'intérêt stratégique de cette expression. Une stratégie qui s'inscrit dans la réalité de la politique verticale et s'articule autour de la considération du pouvoir gestionnaire. La gratification doit être, car c'est dans l'intérêt des étudiants qu'elle soit. La volonté politique de tenants du « oui » à la gratification va donc être de lever ou de faire lever les obstacles à sa réalisation. En particulier ici le problème de son financement.


« Oui mais » à la gratification: la gratification doit être autrement.


Cette expression affirme le désir que la gratification existe, mais soit modifiée. Elle sépare ici l'intention de la gratification qui est jugée désirable, des modalités de son application qui sont jugées indésirables. Ce que les tenants du « oui mais » comprennent de l'intention de la gratification est qu'elle vise à prendre en compte leurs difficultés matérielles. Ce qui leur semble juste. Cependant, la gratification comme acte politique concret se révèle discriminant ou anti-pédagogique. Il s'agit donc de la dissocier de la gratification comme intention. Le « oui mais » à la gratification exprime donc la satisfaction d'être pris en compte par les politiques gestionnaires, mais en conteste la forme. La gestion verticale de leurs formations est jugée insuffisamment bonne par les étudiants tenants du « oui mais ». Leur volonté politique va donc être de conserver le bénéfice d’une prise en compte de leurs difficultés financières (ce qu'ils ont compris de l'intention de la gratification) en s'opposant toutefois à la mise en place de la gratification telle qu'elle est.

L'ennui est que les étudiants tenants du « oui mais » conservent dans leur expression le terme de gratification, certainement par respect des politiques gestionnaires, alors que le vocable gratification ne désigne pas que l'intention, mais définit également la forme de l'action, la loi et le décret d'application. Gratifier les stagiaires, cela signifie quelque chose de bien précis techniquement. L'attachement à ce vocable signifie donc également l'attachement à une forme bien précise de réalisation de l'intention. Par exemple, la gratification ne peut être supportée que par le terrain de stage. Si de l'argent est versé aux étudiants par l'état pour leur temps de formation sur le terrain, ce n'est plus techniquement une gratification. L'attachement au vocable gratification reflète donc bien la volonté des tenants du « oui mais » à évoluer dans un spectre restreint de possibles politiques. La gratification doit être autrement. Ce qui est impossible, car être autrement, c'est être un autre.


« Non » à la gratification: la gratification ne doit pas être, elle doit être un autre.


Cette expression affirme le désir que la gratification ne soit pas appliquée. Cela, car elle est jugée discriminante ou dangereuse pédagogiquement ou pour d'autres raisons et toutes à la fois. Les tenants du « non » à la gratification prennent acte de la volonté du pouvoir et s'y opposent. Leur volonté politique est que la gratification ne soit pas. S'ils ne partagent pas avec les tenants du « oui mais » une lecture positive de l'intention de la gratification, ils n'en restent pas moins qu'ils souhaitent eux aussi l'exploiter. Non pas l'intention, mais le passage à l'acte que constitue la gratification mais le mouvement initié par ce dernier, pour en tirer bénéfice. Les tenants du « non » à la gratification souhaitent s'approprier le mouvement initié par ce passage à l'acte qu'est la gratification, pour en tirer bénéfice. Dans leur logique, ce passage à l'acte qu'ils dénoncent constitue un possible. Du vide crée par leur opposition, ils espèrent la création d'un nouvel acte, conforme à leur volonté de puissance. C'est pourquoi ils participeront au côté des tenants du « oui » et du « oui mais » aux différentes coordinations et actions locales, régionales et nationales.


Ces trois positions fondent les volontés politiques des étudiants et définissent le spectre stratégique dans lequel elles s'inscrivent. Ces stratégies prennent leur sens dans le cadre accepté (et de fait légitimé) de la politique verticale. Ainsi, la mobilisation s'adresse aux pouvoirs, ces maîtres désincarnés que les étudiants tenteront de retrouver en manifestant tantôt devant la DDASS, tantôt devant la préfecture ou au beau milieu d'un rond-point d'une ville de province.


La revendication comme prescription opératoire


Il prédomine dans notre société une représentation de la mobilisation qui consiste à adresser sa volonté politique aux pouvoirs dans le but d'obtenir satisfaction, c'est-à-dire une action de ces mêmes pouvoirs conforme aux exigences et aux attentes des individus qui participent de la mobilisation. La volonté politique prend alors la forme de revendications, c'est à dire la formulation d'une demande de prise en compte de la légitimité des acteurs de la mobilisation.

J'appelle mobilisation d'expression cette forme particulière de mobilisation qui prétend par l'expression de ses revendications obtenir du pouvoir une action conforme. Et la mise en œuvre de cette mobilisation d'expression confère à ses interlocuteurs une légitimité propre.


En effet, la mobilisation d'expression suppose que les pouvoirs auprès desquels est portée cette expression commune soient reconnus capables d'agir en conformité avec les exigences de la mobilisation. Capables, et donc légitimes. En choisissant ses interlocuteurs, la mobilisation leur reconnaît et leur délivre le pouvoir de prendre en compte ou non sa volonté politique. La démarche implique donc que les participants envisagent la possibilité que leurs revendications n'aboutissent pas, puisqu'ils prennent le risque de confier l'action aux autorités qu'ils ont choisi de considérer comme compétentes. Il apparaît comme une contradiction propre aux mobilisations d'expression le fait de définir des revendications qu'elles présentent comme absolument nécessaires et légitimes et le fait de limiter leur action politique à l'expression plus ou moins déterminée de ces revendications. Elles dissocient ainsi la conception de l'action de la mise en œuvre de l'action et limitent leur rôle à la prescription de recettes organisationnelles dont l'application leur échappe, pour la simple raison qu'elles en délèguent la responsabilité. Dans son paradigme militant, la mobilisation d'expression est la tête, le pouvoir est le bras. Si la transmission n'aboutit pas et que le bras n'agit pas dans le sens désiré par la tête, elle peut toujours se taper contre les murs qu'elle à elle-même élevés autour d'elle.


Toute la question est là. Que doivent faire les acteurs d'une mobilisation d'expression quand les pouvoirs dans lesquels ils placent tous leurs espoirs leur adressent une fin de non recevoir ? Ces revendications qu'ils définissent sincèrement comme absolument nécessaires et légitimes doivent-elles s'effacer au nom de la loi et de la représentativité démocratique ? Au nom de la loi, l'organisation ne sera pas satisfaisante au regard des acteurs qui y participent. Au nom de la loi rentrez chez vous, vos possibilités démocratiques sont épuisées. C'est dans cette impasse que nous retrouvons nos étudiants en travail social, là où les a conduits leur attachement stratégique à l'expression verticale de leur volonté politique, transformé en revendications. Car dès le mois de mai 2008, les différents acteurs de la formation en travail social, en s'appuyant sur un montage financier précaire, permettent l'application d'une gratification discriminante et anti pédagogique, et provoquent le retour des étudiants sur les terrains de stage. La conséquence en est l'effondrement de la mobilisation par la désertion progressive des étudiants des structures d'expressions (assemblées générales, forums, coordinations...). L'espace-temps provoqué par le blocage des parcours de formation se referme. Cet espace temps qui avait permis l'affirmation d'un positionnement éthique et politique des étudiants, l'affirmation de ce que devait être et ne pas être leurs formations, cet espace-temps n'est plus et les étudiants confrontés à la faillite de leur stratégie se résignent à renoncer à leur volonté politique et à inscrire leur mobilisation au panthéon des combats perdus. En définitive, leur mouvement n'aura servi qu'à accompagner l'application de la gratification, à la solutionner en en pointant les imperfections. De contestataires, les voilà devenus objectivement complices d'une gratification qu'ils ont pourtant eu le temps et l'espace de définir comme discriminante et anti pédagogique, complices en somme d'une gratification qu'ils refusent. Ce paradoxe est la conséquence d'une participation assumée au jeu d'une politique verticale (la stratégie) qui réduit les puissances des acteurs à l'expression de leurs revendications.


Misère de la politique verticale


On peut donc considérer que les stratégies mises en œuvre par les différents protagonistes étudiants du mouvement se sont révélées impuissantes. Il serait cependant faux de les juger inutiles, car leur développement a manifestement été le théâtre privilégié d'un dialogue entre étudiants et peut être même de la constitution d'un corps identifié des travailleurs sociaux en formation, comme en témoigne la création de différentes instances de représentation, au niveau local et régional (voir l'article de L. Bizeul). Mais au regard de la volonté politique des étudiants, la revendication se révèle non opératoire. La revendication est un appel, encore faut-il ne pas se tromper de destinataire. Si le mouvement s'adresse au pouvoir pour obtenir une action conforme à ses revendications, il est aphone et impuissant. Mais si son but est d'appeler au dialogue et à la mutualisation des savoirs, alors le mouvement prend son sens stratégique, celui de la définition d'un problème commun, de ses causes et de ses conséquences. L'erreur serait d'en rester là, et de laisser à d'autres le soin de définir les solutions à ce problème commun, de circonscrire la tâche et la responsabilité des étudiants à l'énoncé de leurs volontés. Le mouvement n'était pas inutile, mais la stratégie était mauvaise. Les étudiants ont voulu voir dans la sacro-sainte revendication la fin de leurs possibilités d'action, alors que la seule chose que leur mobilisation peut être est justement un début. C'est à dire, en deux temps, l'affirmation d'un problème commun et l'élaboration collective d'une analyse politique. De là vont se dégager des modes d'organisation collective dont la mise en œuvre relève aussi de la responsabilité des étudiants. En d'autres termes, il appartient aux travailleurs sociaux en formation de s'organiser collectivement(,) en s'appuyant sur une expérience et une analyse commune, pour faire de leurs formations des espaces conformes à leur volonté politique, en l'occurrence des espaces pédagogiques et non discriminants. Ces modes d'organisation doivent s'émanciper de la politique verticale en acceptant de prendre des formes diverses en fonction de l'espace géographique et démocratique de leur développement. Il n'est nul besoin d'une uniformisation des pratiques pour atteindre un but commun. Au contraire, la multiplicité de celles-ci reflète l'adhésion démocratique des intéressés. Les travailleurs sociaux doivent, à l'instar de l'initiative RAGES3 portée par les étudiants de Lorient, créer des formes d'affirmation concrètes de leur volonté politique. La dimension nécessairement locale de ces organisations n'affaiblira pas la portée d'un combat qui se veut, et à raison, national. Au contraire, elles seront la preuve par l'exemple que ce qu'il faut bien appeler la résistance, est possible. La preuve que les étudiants peuvent légitimement et efficacement être partis prenantes dans la gestion de leurs formations. La preuve que l'impuissance n'est que la formulation politique de la résignation.

1Les stagiaires du secteur social public ne sont pas soumis à gratification. Cet état d'une discrimination entre étudiants sera, comme on va le voir, l'un des thèmes principaux de l'expression des travailleurs en formation.

2Cette référence théorique éclatante tient lieu de caution scientifique à cet article dont plus personne maintenant ne peut contester le sérieux.

3Association autogestionnaire destiné à redistribuer égalitairement entre tous les étudiants les « revenus » de la gratification des stages perçus par certains d'entre eux.

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